Prix Jean Renoir – Les critiques de films

Les élèves de la classe de 1 BP MV sont allés au cinéma Rex pour voir les 5 premiers films de la sélection. Voici les critiques de quatre de ces films…

 

Le Fils de Jean

Le Fils de Jean est un film franco-canadien réalisé par Philippe Lioret.

Inspiré d’un roman de Jean-Paul Dubois (Si ce livre pouvait me rapprocher de toi, paru en mars 2000) , il aborde le thème de la famille, de la quête des origines, des sentiments amoureux, fraternels et filiaux.

L’histoire qui nous est racontée est une histoire réaliste : le spectateur est plongé dans le monde actuel, au sein d’une famille qui doit faire face à des événements inattendus.

Nous avons apprécié la manière habile dont les sentiments sont exprimés : les personnages ne se livrent pas facilement, ils se dévoilent de manière indirecte, parfois détournée.

Il faut dire que le jeu des acteurs est particulièrement convaincant : Pierre Deladonchamps (qui joue le rôle de Mathieu, le personnage principal) parvient à incarner un personnage sensible, à l’écoute des autres, et qui fait même preuve d’une forme de candeur. Les autres acteurs ne sont pas en reste.

Par ailleurs, la manière dont le scénario est composé, et dont l’histoire se déroule, se révèle efficace : le spectateur est plongé dans le cœur du sujet dès la première scène, et l’avancée de l’action ménage un suspense intense, quitte à dérouter parfois. Ainsi, tout au long du film, le spectateur assemble des indices qui peu à peu lui permettent de recomposer le « puzzle » familial de Mathieu, mais aussi de Pierre, de Bettina, d’Angie, de Samuel…

La fin elle aussi laisse sa part d’imagination au spectateur, ce qui nous laisse… un peu sur notre faim.

Au final, Le Fils de Jean présente la transformation d’un personnage – transformation que certains jugeront peut-être un peu brusque – à travers une quête personnelle et familiale.

Ce film permet à chacun d’entre nous de réfléchir aux liens qui nous unissent à notre famille, mais il pose aussi la question de ce que l’on transmet de père en fils, et même de fils en père !

Soy Nero

Soy Nero est un film franco-germano-mexicain du réalisateur iranien Rafi Pitts. Celui-ci, ne peut pas tourner dans son pays d’origine (l’Iran), et a dû s’exiler (il vit principalement en France et aux Etats-Unis, un peu à Londres). C’est cette situation d’exil qui lui a inspiré le film sur Nero.

Ce film, sorti à l’automne 2016 était en compétition au Festival du Film de Berlin en Février 2016.

 

 Nous avons trouvé que le réalisateur, Rafi Pitts, avait choisi une façon de filmer qui met en valeur le personnage de Nero : ainsi le spectateur ressent de l’empathie envers lui, et peut facilement se mettre à sa place. De cette manière il nous fait suivre l’espoir et les désillusions de Nero, et nous permet de nous rendre compte des difficultés auxquelles il est confronté.

De même, l’absurdité de l’attente, comme les peurs qu’il ressent, nous sont transmises directement.

D’autre part, le film Soy Nero a une construction originale : certes nous suivons le parcours de Nero mais le scénario ménage des ellipses. Ainsi le spectateur qui avait quitté Nero en compagnie de son frère à Beverly Hills, le retrouve au plan suivant (en Irak) gardant une frontière pour l’armée américaine. Cette construction originale revient plusieurs fois dans le film et peut parfois dérouter le public : que s’est-il passé entre-temps? Comment est-il arrivé là?

Par ailleurs, certaines scènes paraitront peut être trop longues au spectateur : Rafi Pitts filme l’attente interminable et absurde des soldats gardant la frontière.

Il laisse à chacun, à la fin, le soin d’imaginer ce que va devenir Nero.

Moi, Daniel Blake

Comme Soy Nero, le film Moi, Daniel Blake raconte une histoire réaliste qui se déroule dans nos sociétés actuelles, en Amérique ou en Europe.
Dans le film de Ken Loach, Palme d’or au festival de Cannes cette année, nous suivons le personnage de Daniel (« Dan », joué par Dave Johns), menuisier en arrêt maladie qui doit faire face à une administration sourde et injuste.
L’action se déroule à Newcastle, dans cette Angleterre du Nord très désindustrialisée et touchée de plein fouet par les crises et le chômage. Dan rencontre Katie et ses deux enfants au « Job Center » (sorte de Pôle Emploi local, mais où les agents font preuve de froideur, et ont pour mission de décourager les chômeurs au lieu de les aider).
Ensemble, Dan et Katie vont s’entraider pour vivre, voire survivre, dans une société qui s’est durcie face à la crise, et surtout depuis l’arrivée au pouvoir du Parti Conservateur de David Cameron en 2010, qui a cherché à limiter les aides publiques aux chômeurs.
A travers l’histoire de Dan, de Katie, du voisin China, Ken Loach montre l’absurdité d’une administration inhumaine, et dénonce la dérive libérale de l’Angleterre (et des pays capitalistes en général), qui se préoccupe uniquement de rentabilité financière, au détriment de l’humain.
Dans ce sens Moi, Daniel Blake est dans la droite ligne de la filmographie de Ken Loach, c’est-à-dire d’un cinéma social et dénonciateur.
Le titre du film est d’ailleurs révélateur : Loach s’attache à redonner une identité et une dignité humaine à ces personnages broyés par le système.
La scène où Dan finit par exprimer sa rage, son impuissance et son besoin d’être reconnu en taguant le mur du Job Center est à cet égard un moment de jubilation, non dénué d’humour.
On retrouve cet humour, cette humanité et ces lueurs d’espoir par petites touches dans un quotidien par ailleurs bien sombre : les bénévoles de la Banque alimentaire, les passants, les voisins, apportent leur aide comme ils le peuvent.
Ce cinéma réaliste, on l’a dit, est habituel chez Ken Loach, qui en est à son 50ème film.
Ici, le réel est rendu encore plus présent car Loach filme au plus près des personnages, nous livrant leurs émotions à fleur de peau, et les rendant crédibles. Cet « effet documentaire » est renforcé par l’appel à de « vraies personnes » (acteurs non professionnels) pour jouer certains rôles : ainsi des bénévoles de la Banque alimentaire, par exemple.
Les points communs de Moi, Daniel Blake avec Soy Nero tiennent donc essentiellement dans la volonté des deux réalisateurs de filmer notre monde, avec ses travers et ses espoirs, en s’emparant de thèmes qui leur sont chers et qui correspondent à certains passages de leurs vies.
Les deux films montrent comment l’individu, dans notre monde actuel, peut se trouver désespéré face à des sociétés robotisées, froides, déshumanisées. Ce sont donc deux films humanistes, forts en émotion, car ils décrivent le réel en faisant appel aux sentiments et à l’empathie du spectateur.

Sonita

Ce film documentaire a été tourné en 2015 et raconte la vie de Sonita : il s’agit d’une jeune fille Afghane de 17 ans environ.
En compagnie de sa famille, elle a quitté l’Afghanistan pour fuir la guerre. Elle est donc réfugiée en Iran, et fréquente un centre d’accueil où elle peut poursuivre des études. Elle rêve de faire carrière dans la musique, et compose elle-même ses textes. Elle les scande sur des rythmes de rap, pour dénoncer les traditions qui soumettent les femmes à la domination des hommes.

Par exemple, elle dénonce le mariage forcé, les violences envers les femmes, mais aussi l’interdiction  de faire de la musique, qui leur sont imposées.

Un jour sa mère vient la rejoindre à Téhéran, et lui annonce une nouvelle qui va la bouleverser : elle doit rentrer en Afghanistan pour être mariée, contre de l’argent, à un homme qu’elle ne connaît pas. Pour Sonita, c’est comme si elle était vendue.

Sonita va-t-elle pouvoir réaliser son rêve ? Va-t-elle pouvoir échapper à son destin en Afghanistan ? Quelles solutions pourra-t-elle trouver ? La réalisatrice, Rokhsareh Ghaem Maghami, est émue de la situation, mais a-t-elle le pouvoir de réagir face à ces événements ?

Elle parvient à émouvoir le spectateur grâce aux différents plans resserrés, qui permettent de nous faire ressentir la tristesse, la colère, mais aussi la joie de Sonita. Par exemple, lorsque celle-ci apprend qu’elle va être vendue, on la voit assise au sol, recroquevillée dans un angle de murs, et la caméra qui la filme en plongée nous fait ressentir sa peur et son désespoir.

A un moment du film,  Sonita inverse la situation : elle se met à la place de la réalisatrice et imagine le clip qui accompagnera sa chanson (le code-barres pour dénoncer la vente des femmes, les marques de coups sur le visage, et même les mouvements de caméra).

Certaines séquences sont tournées en caméra subjective et nous plongent dans l’action : c’est le cas lorsque la réalisatrice cherche désespérément Sonita à travers la ville. C’est un moment angoissant et crucial pour Sonita comme pour la réalisatrice, qui voit le sujet de son film lui échapper et s’inquiète pour la jeune fille.

Ce film nous permet donc de réfléchir sur plusieurs sujets actuels : la guerre, la vente des femmes, la maltraitance, la question de l’éducation, etc.

Mais c’est aussi un film plutôt positif car même s’il reflète plusieurs faces de la dure réalité en Iran ou en Afghanistan, et nous permet de nous rendre compte de la difficulté qu’endurent les habitants de ces pays, il exprime aussi un message optimiste : il faut croire en ses rêves et persévérer, se donner les moyens de ses ambitions.

 

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